Mercredi 19.

Cher Journal...

Une journée de blues, aujourd'hui. Pour preuve, le ciel etait a la pluie.

Ce matin, Scott m'a fait visiter une nouvelle fois son esprit.

-Les pensées de surfaces sont faciles a atteindre, m'a t'il dit. Pensées immediates, verité, mensonge, sensations... la plupart des telepathes y arrivent sans probleme. Ce que j'attend de toi, c'est que tu retrouve un instant special, la premiere manifestation de mon pouvoirs.

-D'accord, Scott, ai je trouvé le courage de dire.

La plongée memorielle est difficile, les premieres fois. Le cerveau humain n'est pas une salle de cinema, les images en sont eparpillées, chaotiques, transformées par le Moi et le Surmoi. Reussir a filtrer un souvenir precis n'est pas une chose aisée.

Je ferme les yeux, et respire a fond. Certaines portes de la psychée de Scott me restent fermées, je plonge plus profondement.

Je vois l'orphelinat ou il a grandi. Le Docteur Essex, son seul ami, son ancien mentor. En fond sonore, j'entend les enfants se moquer de lui, des etranges ancephalites qui sont les siennes depuis deja quelques mois. Les premices de son pouvoirs, semble t'il, l'activation, la reorganisation de sa nature de Mutant.

Je sent que j'y suis presque.

Dans cette part de sa memoire, tout n'est pas encore rouge. Il ne porte pas encore ses lunettes, les couleurs font encore partie de son monde...

La premiere manifestation de mon pouvoir m'a rendue aveugle pendant plusieurs semaines. Je me demande si Scott aussi a maudit son pouvoir, lors de son apparition.

Petit a petit, les elements se rejoignent, reprenant leur place initiale. D'ici peu, avec un peu de concentration, j'arriverais a savoir.

C'est alors qu'est survenue la douleur. Intense, inhumaine. Je ne me rappelle qu'avoir crié, et etre sorti de son esprit le plus vite possible. Une douleur telle que je ne l'avais jamais experimentée.

J'ignore si j'ai perdu connaissance. Apres cela, tout ce que je me rappelle, ce sont les bras de Scott, me retenant dans ma chute, son visage a quelques centimetres du mien.

-Tu va bien ?

La douleur, disparue.

-Q...qu'est ce qui m'est arrivée ?

-Tu est tombée dans mon piege, Elisabeth. Toujours activer ses barrieres mentales. Souvient toi qu'une immersion mentale t'expose a toutes les souvenirs sensoriels de l'individu. Douleur comprise. Le souvenir vivace de la douleur, souvent, peux servir de bombe mentale contre l'intrusion des telepathes inexperimentés.

Il souris, semble t'il heureux de sa petite lecon.

Pendant une seconde je le deteste de m'avoir joué ce tour la.

Ca ne dure pas, tres rapidement la colere laisse la place a un autre sentiment. La tristesse.

Cette douleur est la sienne...

-Scott... Votre pouvoir...ca vous fait mal ?

Il se retourne sur moi. Ma voix devait marquer plus d'inquietude que je ne l'aurais voulu.

-J'ai souffert d'encephalites pendant une part non negligeable de ma jeunesse, manifestation latente de mon pouvoir. Puis le docteur Essex a fait des recherches, et m'a le premier proposé de porter des lunettes de Quartz Rubis lorsque la douleur devenait trop forte. Le jour ou mon pouvoir s'est declaré pour la premiere fois, et ou j'ai detruit presque toutes l'aile gauche de l'orphelinat, je me suis mis a porter mes lunettes continuellement . Le bon coté des choses, c'est que depuis la revelation de mon pouvoir, je n'ai plus eu d'ancephalites.

-Mais depuis lors, vous ne voyez plus les couleurs....

-C'est vrai... Mais de toute facon, le rouge a toujours eté ma couleur preferée..

Sous la plaisanterie, transparait la douleur, la sourde montée du desespoir. Quoi que dise Scott, les couleurs lui manquent.

C'est a ce moment là que j'ai decidé de faire une folie, quelque chose d'irraisonnable, peut etre pour la premiere fois de ma vie. Je me suis avancé vers lui.

-Scott. Fermez les yeux.

-Pardon ?

-Faites moi confiance, et fermez les yeux.

Je croisait son regard.

-S'il vous plais, Scott, Je veux faire quelques chose avec vous.

Sans un mot, il accepta. Je posait mon front sur le sien, et tentait, pour la premiere fois, un nouveau tour de magie telepathique.

La maison de mes parents, dans le nord de l'Angleterre, aux portes de l'Ecosse. Notre jardin fleuri au printemps, l'ocre et l'orange des arbres a l'automne. Le coucher de Soleil sur les collines. La vue de ma chambre sur le village, le bleu du ciel...Le souvenir telepathique le plus exact que je possede. Le plus joli paysage de mon esprit.

Lorsque je rouvre les yeux, je vois mon reflet dans le verre de ses lunettes. Loin sur la surface, je devine ses yeux. Finalement je recule, attendant sa reaction.

Quelques secondes passent, il ouvre finalement la bouche.

-Tu habite une region superbe, Elisabeth...

-Je voulais essayer ca depuis longtemps avec un non telepathe.

-Le transfert memoriel est quelques chose de difficile. Tu es douée.

Il s'avance vers moi.

-Je te remercie d'avoir partagé ce souvenir avec moi.

Pendant une seconde il se fige, a moins d'un metre de moi, puis recule de nouveau.

Je le vois sortir sans pouvoir bouger, incapable du moindre mouvement.

Qu'allait t'il faire, qu'avait t'il prevu de faire ? M'embrasser, me prendre dans ses bras ?

Tu es une Idiote, Betsy...imagine comment il a du se sentir, plongé dans tes pensées, alors que Jean n'est pas morte depuis un mois...

Pourtant je ne regrette pas. J'avais besoin de lui faire plaisir... Pendant une seconde, une courte seconde, il n'a pas pensé a elle. Pendant une seconde, il a eté heureux. Peut etre un peu grace a moi.

Le reste de la journée passa telle un de ces vieux film en noir et blanc. Les couloirs grouillaient de murmures, sur Pyro, Malicia et Bobby, Diablo, Logan qui envisageait de repartir... Je n'ecoutais rien de tout cela. Je ne voyait rien de cela.

Que le ciel me pardonne, je suis amoureuse...

Ce soir, allongée sur mon lit, je pense a lui. La douceur de ses joues sous ses mains, l'etrange clarté de son regard sous le Quartz, l'odeur de sa chevelure, si proche de moi...Il est beau comme le chevalier etincellant de mes reves d'enfance, si ce n'est que la belle Princesse est rousse, et la mort l'a rendue intouchable... Comment lutter face a un souvenir innaccessible, un souvenir de bonheur intense, son ame soeur ? Comment disputer Scott a un fantome ?

Est ce mal d'etre jalouse d'une morte ? Suis je une mauvaise personne ?

Tout ca est injuste... J'aimerais tellement le rendre heureux.

Et etre heureuse avec lui, aussi , un peu...

La boule dans ma gorge devient larme, puis sanglots... Sanglots de tristesse, de ne pouvoir l'aimer comme je voudrais. Sanglot de jalousie, de ne pas l'avoir pour moi toute seule...Sanglot de honte, de vouloir pour moi celui qu'aimait tant mon instructrice, mon professeur, mon amie...

Lorsque Theresa rentre dans la chambre, je m'enfonce le visage dans l'oreiller, faisant semblant de dormir. Il est hors de question qu'elle me voit pleurer, elle ne merite pas ca.

J'ecris ces lignes a plus de 2h du matin. Theresa dort dans le meme lit que moi, lovée contre ma poitrine, comme parfois depuis l'attaque de Stricker sur l'ecole... Ses nuits ne sont que cauchemars, et la pauvre petite gémie dans son sommeil, les yeux emplis de larmes... Je la sert dans mes bras, lui chantonne les berceuses de ma propre enfance, chassant du mieux que je peux ses cauchemars, usant de mes pouvoirs telepathiques, mais rien n'y fait. Je regarde Theresa pleurnicher silencieusement dans la chaleur de mon epaule, et quelques part en moi, pendant un court instant, je comprend que Pyro ai rejoint la Confrerie de Magneto.

Pendant un court instant, je me demande meme si mes pouvoirs pourraient leurs etre utiles...

Pendant un court instant...

A Suivre ?...